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La guerre de Corée et la chanson populaire

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La chanson populaire Pendant la guerre de Corée

Par Vincent, Jean, Jacques FAUVELL-CHAMPION

Adhérent de l’ANAAFF/ONU/B&RC/156ème RI en qualité de descendant

Le 24 mars 2016 la journaliste Sonia Devillers présentait sur France Inter une chronique consacrée au film documentaire : « Corée, nos soldats oubliés » qui était diffusé le soir même sur France 3.

Elle disait : « Pour ma génération, c’est une découverte. Qui se souvient que des volontaires Français firent 40 jours de bateau pour combattre aux côtés des Américains en Corée ? Que les Yankees n’ont exprimé que du mépris à ces grenouillards, les perdants de la Seconde Guerre mondiale ? Que les soldats tricolores témoignérent d’une telle bravoure qu’Eisenhower vint en personne les féliciter ? Mais qu’ils en payèrent le prix cher. Oui, cette boucherie fit trois millions de morts et fut aussi la nôtre. Qui nous l’a enseigné à l’école ?»

Cette dernière phrase est lourde de sens. Elle illustre parfaitement notre époque et l’amnésie collective qui frappe les citoyens de notre pays à l’égard de son histoire.

L’objet des pages qui suivent vise à permettre au lecteur de s’informer de manière non-exhaustive sur ce conflit oublié afin de pallier au manque de mémoire collective et de reconnaissance envers ceux qui ont combattu pour défendre la liberté en Corée de 1950 – 1953. Pourtant, les marins de l’Escorteur La Grandière lors du débarquement audacieux d’Inchon ; puis toutes les batailles gagnées par les soldats du Bataillon de Corée ont fait particulièrement honneur à la France.

Depuis cette époque glorieuse les coréens n’ont cessé d’éprouver une immense gratitude à l’égard des soldats alliés qui ont combattu vaillamment sous l’égide de l’ONU, mais aussi à l’égard de leurs frères d’armes français. Les batailles où ont combattu les soldats français au sein de la seconde division d’infanterie américaine à tête d’indien portent des noms qui sont entrés dans l’histoire. Toutes ces nombreuses batailles gagnées méritent d’être rappelées :

Wonju – Twin Tunnels – Chipyong Ni et la côte 1037 – Soyang Ni – Inje – Crèvecœur (Heartbreak Ridge) – Triangle de fer dont les sommets des villes en ruine sont Chorwon, Kumhwa, Pyonggang – T Bone – Putchaetul – Arrow Head et la côte 281 – Cheval blanc (White Horse) – Song Kok – Majon Ni et Chungasan.

Dans le cimetière militaire des Nations-Unies à Busan en Corée du Sud demeurent les tombes de 44 soldats français qui n’ont pas été rapatriés. Sur le mur du souvenir une plaque est dédiée à la France. On peut y lire les noms des 269 soldats qui sont morts en Corée. Parmi tous ces héros figure le nom de Jules Jean-Louis. Le médecin-commandant Jules Jean-Louis est l’un des seuls occidentaux à avoir sa statue en Corée, l’autre étant celle du général Mac Arthur qui fut le premier commandant en chef des Force des Nations Unies en Corée. Souvenons-nous plus que jamais que la statue du médecin-commandant Jean-Louis du bataillon de Corée fut érigée par les coréens lors des célébrations du centième anniversaire de nos excellentes relations diplomatiques de la France avec la Corée !

Le médecin-commandant Jean-Louis est mort le 8 mai 1951 à l’âge de 34 ans. Il tombait au champ d’honneur en tentant de sauver la vie de soldats coréens blessés dans les durs combats de Jang Ang Nam Ri sur la route d’Inje où combattait le bataillon. Sa statue en bronze a été édifiée à l’endroit même de sa mort à une trentaine de kilomètres au nord-est de Hongcheon. Sur une plaque au pied de sa statue on y lit le texte suivant : … « Son sacrifice héroïque pour la Liberté, l’idéal humanitaire qu’il a incarné dans l’exercice de sa mission et notamment au service des populations civiles rencontrées pendant la progression du bataillon resteront dans la mémoire des habitants de ce pays ».

La résistance du bataillon français a profondément impressionné nos chefs et nos amis coréens et américains de l’époque. Le bataillon de Corée a gagné quatre citations françaises à l’Ordre de l’Armée, trois citations présidentielles américaines, et deux citations présidentielles de la république de Corée sanctionnant ainsi ses victoires, ses pertes et ses sacrifices. 1898 citations individuelles témoignent de la bravoure de nos soldats. Notre république n’a pas le droit d’oublier ce que nous devons à ces soldats !  Leur gloire militaire doit figurer en bonne place dans notre mémoire collective.

Les pages qui suivent sont consacrées à la chanson populaire américaine et française des années cinquante et soixante.


 

La chanson populaire américaine

Sur le site : Music About the Korean War – 1950-1954 vous trouverez un grand nombre de chansons populaire datant de la guerre de Corée.

http://www.authentichistory.com/1946-1960/2-korea/3-music/

Aux Etats-Unis la majorité de ces chansons héritées de la seconde guerre mondiale ont un ton patriotique teinté de naïveté. Vous remarquerez que beaucoup de ces chanteurs sont célèbres tels que Gene Autry, Jimmie Osborne,  Elton Britt et les frères Delmore. En cliquant sur les icones vous pourrez écouter les chansons proposées et lire les paroles. Dans cette discographie, je vous propose d’écouter trois chansons assez typiques de cette époque.

La première chanson est intitulée « Korean Mud » par Elton Britt
Enregistrement de 1951
Texte de Velma T. Jenkins & Marie Thomas

Dans cette chanson un peu guimauve l’artiste incite ses compatriotes à aller donner leur sang pour sauver la vie des soldats blessés en Corée.

http://www.authentichistory.com/1946-1960/2-korea/3-music/19510000c_Korean_Mud-Elton_Britt.html

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Korean Mud

An American soldier lay dying
Out in the Korean mud
And all that was needed to save him
Was a pint of someone's blood
And now as I think about it a 
A tear comes to my eye
'Cause there was no blood to save him
And this poor boy had to die
 
So give, give, give, 
Give more and more of your blood
To protect the dyin' soldier boys
Lying in the Korean mud
Now it could have been your loved one
Dying in the Korean mud
So please go to your blood bank
And give some of your blood
Now it's not much of a sacrifice
Just to give a pint or two
When many a brave young soldier
Has given his life for you

So give, give, give, 
Give more and more of your blood
To protect the dyin' soldier boys
Lying in the Korean mud
 

La deuxième chanson est intitulée « Heartbreak Ridge » par The Delmore Brothers
Enregistrement de 1951

Dans cette chanson patriotique qui évoque la bataille héroïque de Crèvecoeur, un soldat adresse quelques mots à sa mère pour lui dire la dureté des combats contre les forces communistes. Il évoque son camarade de quartier qui est mort dans les combats… Cette chanson patriotique est également un peu guimauve (les américains diraient Cheezy). Pourtant, on ne reste pas insensible à la mélodie. On a un peu l’impression d’écouter une chanson tirée du film des frères Coen  O Brother, Where Art Thou ?

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http://www.authentichistory.com/1946-1960/2-korea/3-music/19510000c_Heartbreak_Ridge-Delmore_Brothers.html

Heartbreak Ridge par The Delmore Brothers
Enregistrement de 1951

My dear, dear mum, dear mother of mine
From Heartbreak Ridge I'm dropping this line
Where we fight the Reds, try to win
To rid this world of hatred and sin
 
[chorus]
On Heartbreak Ridge we fight and fight
Where the enemy that can't see the light
On Heartbreak Ridge I stand tonight
Nothing but wounded and dying in sight
 
Remember my buddy? He lived down the street
I saw him fall right at my feet
Please tell his mother as soon as you can
That her boy died a hero, and an honorable man
 
[repeat chorus]
 
Oh mama how I long to see you tonight
But I must stay here and go on with this fight
We've fought and we've fought, I've seen thousands fall
I've prayed to God that they heed freedom's call

 

La troisième chanson est intitulée « Korea blues » par J.B. Lenoir
Enregistrement de 1951
Texte et musique de J.B. Lenoir


  1. B. Lenoir était un guitariste et chanteur de blues inspiré de la tradition rurale du Delta du Mississippi). Il possède une voix haute perchée, très facilement identifiable.

 



Korea blues

 

http://lhistgeobox.blogspot.fr/2009/09/183-jb-lenoir-korea-blues.html

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J.B. Lenoir: "Korea blues".

Lord I got my questionnaire, Uncle Sam's gonna send me away from here
Lord I got my questionnaire, Uncle Sam's gonna send me away from here
He said J. B. you know that I need you, Lord I need you in South Korea

Sweetheart please don't you worry, I just begin to fly in the air
Sweetheart please don't you worry, I just begin to fly in the air
Now the Chinese shoot me down, Lord I'll be in Korea somewhere

I just sittin' here wonderin', who you gonna let lay down in my bed
I just sittin' here wonderin', who you gonna let lay down in my bed
What hurt me so bad, think about some man has gone in your bed.


La chanson populaire française

En France les chansons de l’époque reflètent le sentiment antimilitariste des français qui ont vécu en deux générations deux guerres mondiales. L’implication de la France dans la guerre d’Indochine trouve naturellement une opposition dans le milieu artistique avec l’influence du parti communiste à la solde de Staline. L’engagement de la France dans la guerre de Corée sous l’égide de l’ONU n’échappe pas à cette opposition pour des raisons politiques évidentes. Le tableau de Pablo Picasso, d’une esthétique outrancière, contre la guerre de Corée en est la parfaite illustration. Dans cette discographie, je vous propose d’écouter trois chansons assez typiques de cette époque.

La première chanson est intitulée « Inventaire »  par le Frères Jacques

Enregistrement de 1950

Paroles de Jacques Prévert

Le célèbre poème Inventaire tiré de Paroles 1946 de Jacques Prévert énumère toutes sortes de sujets sans lien apparent entre eux : « …  Une douzaine d'huîtres un citron un pain un rayon de soleil une lame de fond six musiciens une porte avec son paillasson un monsieur décoré de la légion d'honneur un autre raton laveur ... » est marqué du sceau de deux guerres mondiales. L’inventaire à la Prévert est un must de l’humour avec l’interprétation fabuleuse des Frères Jacques.

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https://youtu.be/yv12F12ne_E

une triperie
deux pierres trois fleurs un oiseau
vingt-deux fossoyeurs un amour
le raton laveur
une madame untel
un citron un pain
un grand rayon de soleil
une lame de fond
un pantalon
une porte avec son paillasson
un Monsieur décoré de la légion d'honneur
le raton laveur
un sculpteur qui sculpte des Napoléon
la fleur qu'on appelle souci
deux amoureux sur un grand lit
un carnaval de Nice
une chaise trois dindons un ecclésiastique
un furoncle une guêpe
un rein flottant
une douzaine d'huîtres
une écurie de courses
un fils indigne
deux pères dominicains
trois sauterelles un strapontin une fille de joie
trois ou quatre oncles Cyprien
le raton laveur
une mater dolorosa deux papas gâteau
trois rossignols deux paires de sabots cinq dentistes
un homme du monde
une femme du monde
un couvert noir deux cabinets
deux petit' suisses un grand pardon
une vache un samovar
une pinte de bon sang
une monsieur bien mis un cerf-volant
un régime de bananes une fourmi une expédition coloniale
un cordon sanitaire trois cordons ombilicaux
un chien du commissaire un jour de gloire
un bandage herniaire
un vendredi soir
une chaisière un œuf de poule
un vieux de la vieille
trois hommes de guerre
un François premier
deux Nicolas II
trois Henri III
le raton laveur
un père Noël
deux sœurs latines
trois dimensions
mille et une nuits
sept merveilles du monde quatre points cardinaux
1 2 3 4 heures précises douze apôtres
quarante -cinq ans de bons et loyaux services
deux ans de prison six ou sept péchés capitaux
trois mousquetaires
vingt mille lieues sous les mers
trente-deux positions
deux mille ans avant Jésus-Christ
cinq gouttes après chaque repas
quarante minutes d'entracte
une seconde d'inattention
et naturellement
le raton laveur

La deuxième chanson est intitulée « Quand un soldat »  par Francis Lemarque 
Enregistrement de 1952
Musique et paroles de Francis Lemarque

Francis Lemarque naît Nathan Korb, dans une famille juive arrivée en France quelques années auparavant pour fuir les pogroms d'Europe de l'Est : son père, Joseph, juif polonais est tailleur pour dames et sa mère Rose est d'origine lituanienne. Il quitte cependant l'école dès 11 ans pour travailler à l'usine et devient naturellement communiste. Quand il décide d'écrire ce titre en 1952, c'est donc en toute connaissance de cause, avec un passé complexe, chargé de références, articulé autour de la guerre, de faits d'armes et d'engagements. En parolier, poète et intellectuel, celui, qui a rencontré après le Front populaire, Jacques Prévert, prend donc position et choisit avec soin ses mots pour dire ce qu'il a sur le cœur, et ce qu'il pense de ces nouvelles guerres de colonies. Dans le cas de la Corée, il se trompe car les occidentaux n’ont jamais colonisé la Corée (lire le texte consacré au film Moranbong tourné en Corée du Nord avec la complicité d’artistes français dont le chanteur-compositeur communiste Francis Lemarque). Pendant cette période de l’histoire de France, la gauche française était en plein aveuglement intellectuel vis-à-vis du communiste soviétique et avant la rupture sino-soviétique des années 1960. Il n’empêche qu’il convient de reconnaitre que l’artiste Francis Lemarque malgré son engagement politique auprès du parti communiste français au relent stalinien avait du talent. Partageant à cette époque un certain nombre d'idées et de valeurs depuis plusieurs années, c'est tout naturellement qu'Yves Montand reprendra la chanson Quand un soldat en 1953. 

https://www.youtube.com/watch?v=w_KokqQhZ7Q

Quand un soldat

Fleur au fusil tambour battant il va
Il a vingt ans un cœur d'amant qui bat
Un adjudant pour surveiller ses pas
Et son barda contre ses flancs qui bat
Quand un soldat s'en va-t-en guerre il a
Dans sa musette son bâton d'maréchal
Quand un soldat revient de guerre il a
Dans sa musette un peu de linge sale

Partir pour mourir un peu
A la guerre à la guerre
C'est un drôle de petit jeu
Qui n'va guère aux amoureux
Pourtant c'est presque toujours
Quand revient l'été
Qu'il faut s'en aller
Le ciel regarde partir
Ceux qui vont mourir
Au pas cadencé
Des hommes il en faut toujours


Car la guerre car la guerre
Se fout des serments d'amour
Elle n'aime que l'son du tambour

Quand un soldat s'en va-t-en guerre il a
Des tas de chansons et des fleurs sous ses pas
Quand un soldat revient de guerre il a
Simplement eu d'la veine et puis voilà…

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La troisième chanson est intitulée « La java des bombes atomiques » par Boris Vian

Enregistrement de 1955

Paroles et musique de Boris Vian

En 1949, les Etats-Unis font exploser leur première bombe à Hydrogène, beaucoup plus puissante que celles d’Hiroshima et de Nagasaki. En 1953 en pleine guerre de Corée les Soviétiques se lancent dans la fabrication de leur propre bombe Hydrogène qui explosera la première fois en 1954. L’équilibre de la terreur se met progressivement en place, d’où̀ sortira la théorie de « la dissuasion nucléaire de destruction mutuelle » ou en anglais « Mutual Assured Destruction » dont le sigle est MAD qui signifie la folie furieuse ou la dinguerie. Depuis la Guerre de Corée le monde vit dans l’angoisse du confit nucléaire.  Pour Boris Vian, la chanson est surtout l’occasion de brocarder les hommes politiques.

006                                                                                                  

La java des bombes atomiques par Boris Vian :

http://www.youtube.com/watch?v=eryzp0Pklc8

Paroles : http://www.lacoccinelle.net/283448.html

Mon oncle un fameux bricoleur faisait en amateur Des bombes atomiques
Sans avoir jamais rien appris c'était un vrai génie Question travaux pratiques

Il s'enfermait toute la journée au fond de son atelier Pour faire des expériences
Et le soir il rentrait chez nous et nous mettait en transe En nous racontant tout

Pour fabriquer une bombe A mes enfants croyez-moi C'est vraiment de la tarte
La question du détonateur se résout en un quart d'heure C'est de celles qu'on écarte

En ce qui concerne la bombe H c'est pas beaucoup plus vache Mais une chose me tourmente
C'est que celles de ma fabrication n'ont qu'un rayon d'action De trois mètres cinquante

Y a quelque chose qui cloche là-dedans J'y retourne immédiatement

Il a bossé pendant des jours
Tachant avec amour d'améliorer le modèle
Quand il déjeunait avec nous
Il avalait d'un coup sa soupe au vermicelle
On voyait à son air féroce qu'il tombait sur un os Mais on n'osait rien dire
Et pis un soir pendant le repas v'là tonton qui soupire Et qui s'écrie comme ça

A mesure que je deviens vieux je m'en aperçois mieux J'ai le cerveau qui flanche
Soyons sérieux disons le mot c'est même plus un cerveau C'est comme de la sauce blanche

Voilà̀ des mois et des années que j'essaye d'augmenter La portée de ma bombe

Et je n'me suis pas rendu compte que la seule chose qui compte C'est l'endroit où c'qu'elle tombe

Y a quelque chose qui cloche là-dedans,
J'y retourne immédiatement

Sachant proche le résultat tous les grands chefs d'Etat Lui ont rendu visite
Il les reçut et s'excusa de ce que sa cagna
Etait aussi petite

Mais sitôt qu'ils sont tous entrés il les a enfermés
En disant soyez sages
Et, quand la bombe a explosé́ de tous ces personnages Il n'en est rien resté

Tonton devant ce résultat ne se dégonfla pas Et joua les andouilles
Au Tribunal on l'a traîné́ et devant les jurés Le voilà̀ qui bafouille

Messieurs c'est un hasard affreux mais je jure devant Dieu En mon âme et conscience
Qu'en détruisant tous ces tordus je suis bien convaincu D'avoir servi la France

On était dans l'embarras
Alors on le condamna et puis on l'amnistia Et le pays reconnaissant
L'élu immédiatement
Chef du gouvernement